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Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Entretien

Marcos Morau

Pasionaria

© Alex Font
— Quel est votre parcours ?

Marcos Morau : J’ai 31 ans, je ne suis pas danseur. Je viens de la photographie et du théâtre. Je me suis intéressé à la chorégraphie mais mon intérêt se porte avant tout sur la création. La danse est pour moi un moyen d’expression passionnant, mais ce sont surtout les arts scéniques qui m’attirent. Je pourrais faire de la mise en scène d’opéra dans les années à venir. J’adore créer des paysages et des situations, raconter des histoires ou parler d’émotions.

— Pourquoi avoir choisi la danse, alors ?

M.M. : La danse m’apporte une abstraction qui permet de ne pas être collé à une signification. Le mouvement ne raconte rien. C’est énorme ! Du coup, il me donne la possibilité de peindre, des textures, des couleurs. Ensuite, j’aime travailler un langage corporel, non pas comme une suite de pas, mais comme un vocabulaire gestuel. Comme je n’ai pas de technique présupposée, je crée des règles particulières, qui me servent de langage pour communiquer avec les danseurs. Je leur indique également des chemins de création, des bases pour improviser ou ce que j’attends d’eux sur scène. Du coup, tout le monde parle la même langue et comprend les mouvements de la même façon. Comme les mouvements sont abstraits, c’est la situation, la musique, la scénographie qui posent le contexte concret.

J’ai la même impression quand je vais voir une chorégraphie. Si elle n’est que danse pure, je trouve cela beau, surprenant, mais personnellement j’ai besoin d’autre chose. Sans doute parce que je ne perçois pas la danse à travers mon corps. D’une certaine façon, c’est très paradoxal pour un chorégraphe. De ce fait, je me sens parfois plus à l’aise avec des publics qui viennent d’autres horizons comme le théâtre ou les arts plastiques. On est plus en phase au regard de mon passé.

— Vous venez de la photographie, en quoi cela influence vos rapports avec la danse ?

M.M. : Mon grand-père était photographe. Il aimait capturer l’instant. Personnellement, j’ai compris grâce à la danse ou le cinéma, que la composition du plan était la

chose la plus importante. Pas seulement la couleur, la texture ou le cadre, mais ce qu’il y a dans la photo. La façon dont tous les éléments sont connectés entre eux, comme ils se répondent. La danse, c’est un peu pareil. La porte d’entrée reste le regard, même si tout un travail mental et émotionnel est convoqué, ce n’est que dans un deuxième temps. Donc pour moi, la composition de l’image est très importante. Ensuite, elle doit, bien sûr, avoir un sens, une puissance suffisante pour déclencher des émotions, une pensée, un concept.

— Comment transférez-vous cela dans votre travail chorégraphique ?

M.M. : Quand j’arrive au studio pour créer une pièce ou développer une idée, je me comporte comme un réalisateur. J’apporte un storyboard, ou je viens avec une idée déjà très précise de la composition du plan. Après je travaille les mouvements dans cette image. Je ne sais pas chorégraphier à partir de rien. Donc je travaille seul, à la maison, avec mes idées, mes impressions, mes sensations et quand j’entre dans le studio, je donne des indications aux danseurs pour que nous arrivions à construire cette image.

— J’ai lu que vous aviez « pour but de représenter le monde qui l’entoure comme un reflet de [votre] propre monde intérieur »

M.M. : Pour moi il est très important que la danse - mais l’art en général - soit connecté à la réalité. Bien sûr, l’art n’a aucune responsabilité de quoi que ce soit, mais ma philosophie est d’être pleinement ancré dans un présent, dans les sensations, dans ce qui se passe au moment où je crée. Je ne suis pas le même en 2014 que deux ans auparavant. Et pour moi, il est capital que mes créations porte la trace du monde dans lequel je vis ici et maintenant. Russia, par exemple, a été créée il y a trois ans. Et j’ai beaucoup chan- gé depuis, l’idée de la Russie aussi mais j’ai décidé de laisser la pièce telle quelle. Elle traduit toujours une vision du monde à un moment x.

 

— Contenu issu du dossier spectacle autour de Pasionaria par l’Espace des Arts.
Propos recueillis par Agnès Izrine, Danser Canal Historique

© Gloria Scorier