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Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Entretien

Ali et Hèdi Thabet

Uwrubba

@ Ana Samoivolich
— Pourquoi avoir choisi la Grèce, ses mythes et sa musique comme source d’inspiration ?


Ali: Après le succès et l’enchaînement de nos trois dernières pièces, nous avions chacun besoin de nous mettre en retrait; faire le vide, pour pouvoir repartir en création. 

Il y a quelques mois, je suis venu vivre à Athènes, un lieu en phase avec mon cheminement personnel, aux origines de l’idée européenne et pourtant baigné de culture orientale. C’est là que j’ai découvert toute la richesse du rébétiko. Très semblable aux compositions arabes et tunisiennes, c’est une sorte de blues oriental nourri de musiques tziganes, aux textes très contemporains.

Hèdi: Pendant ces deux dernières années de retrait, j’ai cherché moi aussi à redéfinir mon parcours en interrogeant la nécessité et le sens de la création. Cette question en recouvrait beaucoup d’autres, notamment sur la place de la poésie, de la musique et du mouvement. 

Un jour, une spectatrice croisée à la sortie d’une représentation à Athènes m’a parlé du mythe de Narcisse, qui ne se résume pas à la seule dimension du miroir mais parle aussi de beauté, d’amour et d’exil. À partir de cette rencontre, j’ai voulu me lancer dans une interprétation libre et poétique de ce mythe en y conviant les formes artistiques qui me tiennent à cœur.

— Comment allez-vous incarner cette fusion sur scène ?


Hèdi: Hormis une terrasse méditerranéenne sur laquelle se tiendront les neuf musiciens, le plateau va demeurer nu pour accueillir les danseurs, avec des individualités très diverses. Le personnage de Narcisse ne sera pas matérialisé par un individu mais par le corps des six danseurs, guidés par la voix de la chanteuse lyrique.

Au travers de l’immense miroir de Narcisse surgira un extrait du film de Jean-Daniel Pollet L’Ordre, sur les derniers lépreux de l’île de Spinalonga. La parole d’un de ces bannis résonnera comme une confrontation avec la question intime et sociale du mythe. Accompagnés par cette figure réelle au travers de la trame du mythe, nous traverserons les chemins sinueux de notre condition d’acteur et de spectateur.

Ali: La composition du groupe des musiciens reflète elle aussi ce désir d’un art total et ouvert: Il y aura un joueur d’instruments traditionnels tunisiens (l’oud et le kanun), également chanteur et percussionniste, cinq musiciens grecs (violon, bouzouki, clarinette, baglama...) une mezzo-soprano qui interprétera du Vivaldi et des airs du répetertoire médiéval polyphonique italien, proche des musiques andalouses et marocaines.

© Gloria Scorier