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Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Entretien

Qui veut chanter ?

Maxime Lacôme

Inauguration Maison Gertrude
L’artiste sonore Maxime Lacôme explore les seuils de la voix, de l’écoute et de la mémoire partagée avec Qui veut chanter ?, un projet musical mené avec les habitant·es de la Résidence Sainte-Gertrude. En réorchestrant au synthétiseur des chansons choisies par les participant·es, il fait émerger des présences, des récits, des intensités enfouies. À découvrir dans le cadre du projet Radio Gertrude lors de l'inauguration de Maison Gertrude.
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En tant qu’artiste, qu’est-ce qui t’a mené à produire des objets sonores ?

Je suis un artiste de Marseille, sorti des Beaux-Arts en 2006. Je travaillais dans les arts visuels et j’ai effectué un petit glissement vers le son. En 2015, j’arrive à Bruxelles avec une expérience musicale assez conséquente. J’avais également suivi une formation en électroacoustique.

Arrivé à Bruxelles, je débarque en plein cœur des Marolles, dans un lieu qui s’appelait Marollywood, où je commence par animer des ateliers de lutherie sauvage avec des enfants. On y crée l’Orchestre Sauvage de Belgique. On a fait au moins une vingtaine de concerts, ce qui a permis de lancer une dynamique et de monter notre association : l’Atelier de Création Sonore et Sauvage (AXOSO). Depuis 2016, on occupe l’Aquarium, ce lieu dans les Marolles prêté par les Brigittines, où des projets autour de la musique ont lieu. Il y a aussi le projet Gaml, un ensemble métallophone sur casseroles et gongs, inspiré du gamelan indonésien.

Je crée également Micuicocola, un projet musical avec les jeunes résident·es du centre Le 8ème Jour, un centre de jour pour des personnes portant un déficit mental léger. Avec ell·eux, on fait de la pop expérimentale. On a sorti un premier album il y a deux ans, et on a une cinquantaine de concerts à notre actif.

Personnellement, je fais de la chanson, de la pop avec synthétiseur et des projets radiophoniques. J’ai aussi un projet électro qui s’appelle La Comète.

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Peux-tu me parler du projet Qui veut chanter ? que tu mènes cette année au sein de la Résidence Sainte-Gertrude ?

C’est la deuxième année que j’interviens pour le Théâtre National dans le cadre du festival À la scène comme à la ville. L’année dernière, c’était en compagnie de Clément et Guillaume Papachristou. On avait pour mission de créer une forme théâtrale avec des enfants d’un centre de traitement différencié appelé le CBIMC, un groupe de six enfants avec des handicaps cérébraux moteurs. J’étais surtout en charge de la partie sonore. Iels ont joué deux fois durant le festival. Le Théâtre National m’a réinvité cette année au sein de la Résidence Sainte-Gertrude, transformée en centre d’art.

L’idée du projet, c’est de créer un album avec les habitant·es qui ont envie de chanter. J’avais remarqué là-bas le jukebox qui fonctionne H24 dans le hall de Sainte-Gertrude. J’ai une pratique d’animateur de karaoké - le Karaoké Bisou - et j’adore faire chanter des gens qui se réapproprient des chansons qu’i·els connaissent bien, mettre en lumière leur voix. Je suis parti sur un album de reprises de chansons françaises et anglaises. Je retravaille tout l’instrumental au synthétiseur pour créer une œuvre originale avec les morceaux choisis.

J’ai pris le soin de faire des entretiens individuels, en allant dans les chambres des habitant·es, et de prendre le temps de parler avec ell·eux pour connaître leurs histoires, savoir vers quel type de musique on allait se pencher, et vers quelle période de leur vie. En fonction des origines et de leurs parcours, on a des chansons françaises, anglaises et même rwandaises. Ça va d’Elvis Presley à Joe Dassin, en passant par John Lennon. Il y a quelques voix un peu moins justes que d’autres, et je suis aussi en train d’apprendre à faire de la chirurgie esthétique sur ces voix, avec des rehausseurs de tonalité, sans toutefois trop maquiller leurs dissonances, afin de conserver le charme de l’œuvre.

L’idée, c’est de mettre cet album en streaming, mais également de l'éditer en disque compact pour qu’i·els puissent l'écouter dans leur chambre. Il y aura également une diffusion dans le réfectoire.


Qu’est-ce qui te touche dans ce type de projet auprès des personnes âgées ?

Ce que j’adore, c’est essayer de deviner qui se cache derrière la voix qu’on entend. On peut imaginer beaucoup de choses, parce que la voix, c’est une impulsion, une énergie, et quand ça se place chez une personne âgée, il y a encore plus de ressenti.

Quand je vais dans la chambre d’un·e habitant·e, c’est un grand livre ouvert qui s’ouvre et je découvre tout un pan d’une histoire que je n’ai pas connue. C’est toujours merveilleux de plonger dans ces atmosphères. Sainte-Gertrude est une maison de repos particulière puisqu’elle accueille beaucoup de personnes ayant un vécu hors de la norme et qui sont arrivées au troisième âge avec toutes leurs forces et leurs fragilités. Il y règne une grande liberté de mouvement et d’expression.

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