Plongez au cœur
Visites du Théâtre National et de la Maison Gertrude
Des coulisses du Théâtre National, où l’art se fabrique jour après jour, à la découverte des œuvres pérennes du centre d’art Maison Gertrude, les visites guidées proposées par notre service des Relations avec les publics invitent à explorer autrement ces lieux partenaires, où d’autres récits se tissent au-delà des plateaux, et à découvrir cell·eux qui les habitent et les font vivre au quotidien.
Un matin de novembre, un petit groupe composé de 10 hommes accompagnés par 3 assistantes sociales du centre psychiatrique les Marronniers nous attend devant le théâtre. I·Els ont pris contact avec nous pour une visite guidée. I·Els ont fait le trajet depuis Tournai et sont enthousiastes à l’idée de découvrir l’envers du décor ; i·els assisteront au spectacle Combat des lianes un autre jour. Aucun d’entre ell·eux n’avait encore franchi les portes du Théâtre National.
Après une introduction retraçant l’histoire de l’institution depuis sa création en 1945, nous parcourons ensemble les étages de ce vaste bâtiment de verre. Nous empruntons un petit escalier jusqu’au -2 où nous découvrons la « Cathédrale », l’espace où nous stockons une partie des décors, l’atelier de construction, le studio son, le bureau des technecien·nes... puis nous remontons par la fosse d’orchestre pour arriver sous la scène de la Grande salle, avant d’y monter.
Dans ce labyrinthe de couloirs et de portes, nous croisons toujours l’un·e ou l’autre de nos technicien·nes : David, Technicien son, toujours disponible pour expliquer son métier et nous ouvrir la porte du studio son ; ou Cédric, Directeur technique adjoint, qui prend volontiers le temps nécessaire pour décrire les dispositifs techniques de la Grande salle. L’occasion de partager aussi avec le groupe quelques anecdotes sur son métier et de répondre aux questions.
Il y a beaucoup de choses à dire sur la Grande salle du Théâtre National. Elle a été inaugurée il y a 30 ans et une de ses particularités, encore plus remarquable en 2025, est qu'elle est équipée de cintres manuels, là où la plupart des théâtres récents s'énorgueillissent de posséder des cintres électriques programmables. Ils permettent des mouvements beaucoup plus fluides, extrêmement précis, et surtout, autorisent l’improvisation.
Une anecdote là-dessus : nous étions en tournée avec une création du Théâtre National, la comédienne principale se déplaçait sous un rideau argenté qui devait se refermer juste derrière elle, ce mouvement n’était pas compliqué mais il devait suivre précisément le déplacement de la comédienne pour frôler ses épaules et s’écraser délicatement au sol juste derrière ses pas.
En tant que Régisseur général, je devais m’assurer que cette action soit tout aussi efficace lors de nos tournées, notamment dans les théâtres équipés de cintres programmables. Les régisseur·ses de ces théâtres me garantirent l’exécution parfaite de ce mouvement grâce aux technologies modernes. Arriva ce qu’il devait arriver, notre comédienne principale au rôle monarque autoritaire et implacable s’est retrouvée avec le tissu sur la tête la transformant pour quelques instants en fragile madone !
Visiter le Théâtre National, c’est rendre perceptibles ces gestes d’artisan·nes, ces outils et parfois ces drôles d’histoires.
Sur notre chemin, nous croisons également de temps à autre des collègues qui travaillent dans les autres services qui font vivre ce théâtre : la production et diffusion, la communication, les relations avec les publics, la comptabilité, etc., avant d’accéder après plusieurs volées d’escaliers au très attendu atelier costumes : un espace où l’imaginaire prend forme, où se fabriquent les costumes de nos productions déléguées, où la création devient tangible.
La visite s’achève généralement sur notre terrasse, qui offre une vue dégagée sur Bruxelles et de laquelle nous pouvons distinguer les toits de plusieurs autres théâtres qui nous entourent – un rappel que le nôtre n’est qu’un maillon d’un paysage culturel vivant, avec lequel nous continuons à tisser des liens.
Mais nous ne proposons pas seulement de visiter le Théâtre National : nous invitons également les publics à découvrir la Maison Gertrude, où, deux fois par mois, chacun·e peut venir découvrir ce Centre d’art en maison de repos. Un vaste projet porté par le Théâtre National, Zirlib (la compagnie de Mohamed El Khatib) et le CPAS de la Ville de Bruxelles.
La singularité de ce projet réside en effet dans sa pérennité : il s’agissait de créer une collection d’œuvres d’art permanentes, conçues in situ avec et pour le lieu, ainsi que pour celles et ceux qui y vivent et y travaillent. Intégrée aux espaces privés et collectifs de la maison, cette collection a entraîné des travaux de réaménagement et de rénovation comme la pergola devenue espace de fêtes pour les habitant·es de la Maison.
Laurence, qui habite la Résidence depuis plusieurs mois, se joint régulièrement à notre équipe pour accompagner ces visites. Elle en a fait un véritable passe-temps, qu’elle mène avec un grand professionnalisme. Parcourir les lieux avec Laurence, c’est entrer encore plus profondément dans ce projet ; c’est entendre les anecdotes de la Résidence, percevoir ce qui s’y dit et surtout ce qui s’y vit ; c’est aussi mesurer ce que ce projet continue d’engendrer aujourd’hui, plusieurs mois après l’inauguration du centre d’art en mai 2025.
De l’œuvre Allô Gertrude ?! de Joëlle Sambi et Nicolas Pommier qui ont passé plusieurs semaines à récolter la mémoire vivante de cette Maison, à la grande dentelle Sainte Gertrude, Pompon et les souris d’Élodie Antoine, en passant par la géante Gertrude, les portraits de Bonnefrite et Yohanne Lamoulère ou encore l’œuvre au crochet de Clément Papachristou et Carine Anckaert, toutes ces créations — cocréées par les habitant·es, les artistes et le personnel soignant de la Résidence Sainte-Gertrude — sont offertes au regard comme autant de traces de la grande aventure menée la saison dernière, et qui se poursuit aujourd’hui à travers ces visites.
Emmener nos publics dans ce projet, c’est continuer à franchir d’autres portes — celles de la maison de repos — pour ne pas les laisser se refermer. C’est aller à la rencontre de ces publics et donner à voir ce qui se cache derrière : les métiers invisibles de la maison de repos, les accueillant·es, le personnel soignant, François l’ergothérapeute… toutes celles et ceux qui rendent possible le quotidien, là-bas comme au Théâtre National, et que le public a ainsi l’occasion d’approcher plus intimement. La Résidence Saint-Gertrude et son centre d’art est devenue ainsi un nouvel espace culturel, en s’inscrivant pleinement dans son quartier et sa ville.
Ces visites, que nous voulons ouvertes à toutes et tous, nous permettent aussi, en tant que Chargées des Relations avec les publics, de retrouver du sens dans ce que nous faisons. C’est au cœur de ces deux lieux de vies et de création que nous proposons de vivre une expérience un peu à part, autant de liens que nous tissons hors du temps de la représentation. Un temps précieux pour peut-être se rencontrer différemment.
L'équipe des Relations avec les publics