C’était incroyable…
C'était au Théâtre National
Pour les 80 ans du Théâtre National, j’ai souhaité répertorier les pièces les plus « spectaculaires », les plus marquantes racontées par celles et ceux qui travaillent au TN depuis plus ou moins longtemps.
À travers une série de témoignages, nous (re)découvrons des spectacles un peu inhabituels. Je me suis située du côté du public. N'est-ce pas d'ailleurs ce qui nous reconnecte à l'origine du théâtre pour ce 80e anniversaire. Jacques Huisman, premier directeur du Théâtre National, a en effet toujours mis les relations aux publics au cœur de sa démarche, et celle-ci continue à nous inspirer encore aujourd’hui.
Brefs entretiens avec des hommes hideux par Cécile Michel
Quel a été l’un des spectacles les plus inhabituels auxquels vous avez pu assister ?
Cécile : Il y a un spectacle qui a fait reculer ma vision des choses, un spectacle que j'ai trouvé horrible.
Le texte était vraiment dur, mais parallèlement beau. Ce qui m’a surtout choquée, c’est de voir sur scène des gens qui font l'amour pour du vrai. Ce sont des acteur·ices pornos, c’est vraiment des gens qui baisent et je le dis comme ça parce que c’est ce qu’ils voulaient montrer, une façon plus dégueulasse de faire l’amour.
Je trouve que ça recule les limites de ce qu’on peut montrer. Ça nous met mal à l’aise et pourtant, c’est justement le but. C'est toute une réflexion sur le réel au théâtre. Tu vois, le théâtre, c'est vrai parce que c'est des vrais gens, mais paradoxalement tout est faux, sauf que parfois tout est vrai.
Los dias afuera par Karine Dorcéan
Quel a été l’un des spectacles les plus marquants auxquels vous avez pu assister ?
Karine : Il y a un spectacle qui m'a beaucoup marqué, c'est un coup de cœur. Ce sont des femmes qui ont vécu la prison en Argentine à Buenos Aires. Et qui partagent leur vécu. Comment est-ce qu'on s'en sort ? Humainement, la rencontre était incroyable, et c’est ça qui a marqué les esprits. C’est encore plus marquant quand on comprend qu’elles ne sont pas actrices et que leur représentation est authentique. Elles ont été accompagnées par la metteuse en scène (Lola Arias) qui a l'habitude de travailler avec des personnes qui ne sont pas nécessairement professionnelles. Ce qui est intéressant, c'est l'espoir qu'il y a derrière. Oui, elles sont passées par la prison, mais aujourd'hui, elles ont retrouvé une vie « banale » même si toujours un peu fragile. Un questionnement se pose alors : qu’est-ce qui va faire que tu retombes ou pas ?
Maison Gertrude par Pierre Thys
Quel a été projet le plus emblématique de ce premier mandat ?
Pierre : C'est le centre d'art en maison de repos qu'on a développé avec Mohamed El Khatib qui est un metteur en scène français, avec la participation de 10 artistes invité·es. C'est trois ans de travail. C'est un investissement assez incroyable de la part des équipes du théâtre, des artistes, et de la maison de repos. Le résultat est extraordinaire ! D’une part, par ce que ça représente artistiquement comme projet, d’autre part par ce que ça amène sur le terrain. Comment aujourd'hui, faire en sorte que les publics qu'on ne voit jamais chez nous se retrouvent tout d'un coup connectés à notre univers. Et, comme Mohamed El Khatib, je suis convaincu que les récits et les histoires peuvent aussi s'organiser et se partager en dehors des plateaux de théâtre. Ce projet a créé une nouvelle dynamique de la relation. On a rarement l'occasion de relationner de manière presque quotidienne avec des vieilles personnes, placées dans ces maisons de repos. Maisons qui sont aussi des lieux de vie, et ça on ne le dit pas assez.
Faust Par Dominique Guchteneere
Quel a été l'un des spectacles le plus extraordinaires auxquels vous avez pu assister ?
Dominique : Le spectacle Faust, qui vient de Sibiu en Roumanie, était un des moments les plus extraordinaires que j'ai vécu au théâtre ! On jouait à Tour et Taxis – donc imagine-toi, on rentre dans une salle un peu comme le studio ici, c'est-à-dire, un peu plus de 200 places et un plateau assez important. Le spectacle commence, en roumain évidemment, et puis s'enchaîne le 1er acte, le 2e, etc. Et un moment l'arrière du plateau s'écarte et tu as une profondeur infinie qui fait au moins 100 m de long. Avec des petits diables qui sortent de là et qui viennent emporter tout le public. Tu es emmené là-dedans, au cœur de la pièce. Dans un espace où il y a un concert de hard rock au fond, des filles à moitié nues en voile, d'autres qui chevauchaient des cochons, une ambiance d'orgie avec une musique tonitruante, des gens qui passent en portant un rhinocéros. Enfin bref, tu rentres dans une autre dimension. C'était fabuleux, c'est impossible à raconter, tu ne savais plus où donner de la tête, tu ne savais plus où regarder.
Un grand merci au participant·es !
Cécile Michel - Chargée de projets avec les publics, Pierre Thys - Directeur général et artistique, Dominique de Guchteneere - Responsable de billetterie, Karine Dorcéan - Assistante de la Direction
Parce que les meilleures histoires sont racontées par cell·eux qui en voient le plus.
Un projet de l'IHECS et du Théâtre National Wallonie-Bruxelles.