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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

J’ai une épée

Léa Drouet

Le théâtre de Léa Drouet ne pardonne rien. Il est profondément calme, enraciné dans les replis de la matière quotidienne, par souci de nécessité, mais aussi de simple honnêteté du regard. Il est inséparable de la recherche d’une forme de représentation qui ne s’arrête pas à ce qui est « donné » ou à l’archétypal, mais va plus loin, jusqu’à une expérience souvent mystérieuse. C’est de là que tout part.

Après Violences présentée au Kunstenfestivaldesarts en 2021, la nouvelle création J’ai une épée est l’un des sommets de ce mystère, celui de l’enfance. Croisant l’enquête de terrain, la fiction et une écriture de plateau qui se trame à la jonction du son, de la scénographie, du texte et du corps, la metteuse en scène et performeuse cherche moins à « regarder les enfants » selon une logique qui, sous couvert de nouvelle attention à donner, demeure celle du ciblage des identités, mais commence par « regarder comment on regarde les enfants ». Quels sont les « entours » de l’enfance ? Quelle forme donne aux enfants la manière dont ils sont observés et représentés, notamment par les institutions supposées les protéger, les éduquer, les encadrer ? Quels cadres  existent, justement, et quels décadrages peuvent s’opérer pour qu’un enfant ait la place d’exister?

Que voit-on de l’enfant de 10 ans que l’on accompagne dans un centre psychiatrique ; de celui de 12 ans que l’on a placé en foyer spécialisé ou famille d’accueil ; de celui de 8 ans que l’on conduit à l’aube au poste de police sous l’accusation d’apologie du terrorisme ; de celui de 14 ans que l’on accueille à la maison, en famille, comme « mineur non accompagné » ?

Passant d’une histoire à l’autre dans une esthétique du stand-up, une scénographie qui démultiplie le rideau de scène comme autant de castelets, une musique, composée par Èlg, reprenant les codes de « l’ouverture » et de la charge épique qu’on aurait trempée dans un bain de sonorités électroniques synthétiques et colorées, Léa Drouet fait peu à peu apparaître sans jamais le montrer directement, ce point absent de l’enfant qui insiste tout en échappant. Il ne s’agit pas de le rattraper mais peut-être juste de le laisser filer avec tout ce que cela implique de difficulté, de fragilité, de cruauté mais aussi de paillettes, de licornes aux couleurs acidulées et saturées.

Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Coproduction Kunstenfestivaldesarts, Théâtre de Liège, Mars-Mons, Le Maillon-Strasbourg, Le Printemps des Comédiens
Coréalisation Kunstenfestivaldesarts, Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Téléchargements

Traitement dramaturgique

Le choix d’une telle position d’apprentissage « à l’échelle » se traduit tout autant dans l’intention de la pièce et ce qu’elle souhaite mettre en partage avec un public large que dans le processus de création. Les questions centrales de J’ai une épée se posent donc dès le début de l’enquête sensible dans laquelle se sont lancées Léa Drouet et sa dramaturge Camille Louis : comment rouvrir l’écoute afin d’entendre ce qui, parfois sans mot et sans articulations appropriées et bien propres, se dit autrement ? Comment écarquiller les yeux pour pouvoir enfin voir ce qu’on ne regardait pas et suivre du regard celles et ceux qui, plus qu’ils ne s’agitent, sont agis par le monde et le prolongent en actions ? Des actions nouvelles qui décadrent avec l’agir que le monde des Grands reconnaît et légitime seulement s’il est associé à un auteur qui en a le principe et la souveraineté. C’est vers ces actions et ces agir renversés qui, sans être forcément anarchiques, remettent peut-être juste à l’endroit ce qui était à l’envers, que les artistes se déplacent et voudraient inviter le public à se déplacer.

Il y a l’école qui forme, mais comment les enfants forment et se donnent forme ?
Quels sont leurs abris et les organismes dont ils se dotent comme pour réparer une organisation mal-ajustée et au sein de laquelle ils ne peuvent ni bouger, ni agir, ni respirer ? À quoi ressemblent leurs constructions sensibles et ces nouvelles structures dont ils ont manqué ou qui ont été abîmées ? En quoi ces mondes d’enfants sont-ils des enfances de mondes possibles, et comment ces mondes, fondamentalement autres, étrangers et fait d’étrangetés, viennent altérer
et faire trembler le nôtre ?

À travers l’histoire des enfants accusés d’apologie du terrorisme en France et arrêtés au fond de leur lit par des policiers armés et cagoulés, à travers l’histoire d’adolescents arrêtés pour avoir manifesté contre la justice de classe et maltraités dans les casernes d’Etterbeek, à travers l’histoire d’un jeune mineur isolés victime d’abus par un homme qui a le coeur sur la main, à travers l’histoire d’un atelier de construction dans un foyer d’accueil ou « enfants victimes » et « enfants criminels » cohabitent mais aussi à travers les histoires de monstres, de loups, d’ogres, de foret et d’enfants coupés en morceau que se raconte la fille de Léa de 3 ans et demi… à travers et surtout en étant traversées par les enfants, les artistes veulent essayer de faire place à leurs mondes comme aux enfances des mondes qui se construisent au-delà des mots. Il s’agit et il s’agira, d’abord, d’éprouver et d’ouvrir une place, sans l’aménager pour celui qu’on a déjà décrété comme « à soigner » ou à « redresser », juste ouvrir une place et la laisser ouverte.
 

Traitement de mise en scène

J’ai une épée aimerait partager l’expérience de la terreur, de l’élan et du courage épique qui ressortent (…) des récits que font les enfants des épreuves qu’ils s’inventent.

Les enjeux de la mise en scène sont multiples. L’intention n’est pas de « mettre en scène » des enfants, ni même l’enfance en la prenant pour objet et, ainsi, en l’enfermant à nouveau dans une potentielle représentation. Au contraire, il s’agit de composer une expérience avec et autour de l’enfance, de trouver les manières de nous rapprocher de ce qu’elle fait et nous fait plutôt que de vouloir « montrer ce qu’elle est ».

De ce fait, la pièce s’attache davantage aux autours de l’enfance, aux maillages faits de gestes, d’actes et de modes d’écoutes qui dessinent les conditions d’existence possible de l’enfance.

Il s’agira, le long de la pièce, à la fois de s’approcher de la terreur telle qu’elle nous envahit, petits comme grands, en
suite des chocs que peuvent susciter certains faits liés à l’enfance ; mais aussi de se reculer pour laisser la place à la capacité de l’enfance à se construire des mondes vivables autour de ses blessures. Dans ce travail des distances et des proximités, J’ai une épée cherche aussi à façonner la « juste place » que l’on peut occuper collectivement afin d’accueillir sans recouvrir ces mondes tels qu’ils sont capables de transformer les nôtres

Tournées

Informations

Première au Théâtre National Wallonie-Bruxelles : du 18 au 21 mai 2023 (Kunstenfestivaldesarts)
Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Coproduction Kunstenfestivaldesarts, Théâtre de Liège, Mars-Mons, Le Maillon-Strasbourg, Le Printemps des Comédiens

Corealisation Kunstenfestivaldesarts, Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Disponible en tournée 2023-2024-2025

Distribution

Metteuse en scène, autrice et interprète 
Léa Drouet

Dramaturge
Camille Louis

Scénographe 
Élodie Dauguet

Composition musicale
Èlg

Lumières
Nicolas Olivier

Costumes
Eugénie Poste

Régie générale
François Bodeux

Régie plateau
Stéphanie Denoiseux 

Régie son
Jeison Pardo Rojas

Assistante à la mise en scène
Marion Menan

Développement production et diffusion
France Morin
Anna Six
AMA Brussels

Un spectacle de
Léa Drouet / Vaisseau asbl

Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Production
Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Vaisseau asbl

Coproduction
Maillon, Théâtre de Strasbourg Scène européenne, Kunstenfestivaldesarts, Printemps des Comédiens – Montpellier, Théâtre de Liège, Mars-Mons – Arts de la scène, Centre Culturel André Malraux – Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, NEXT Arts Festival, Le Phénix – Scène Nationale de Valenciennes, La Coop asbl, Shelter Prod

Avec l’aide de
La Fédération Wallonie- Bruxelles, Service Général de la Création Artistique – Direction du Théâtre

Avec le soutien de
Kunstencentrum Buda, La Bellone - House of Performing Arts, ING et du Tax Shelter du gouvernement fédéral belge

© Gloria Scorier