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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Lars Norén

Propos de Jean-Louis Colinet

@ Lina Ikse

« Quand vous êtes assis dans un théâtre et que vous regardez ce qui se passe sur la scène, vous n’avez pas de défense. Il n’y a pas d’échappatoire. (…) C’est le pouvoir du théâtre. Vous êtes seul au milieu du public. Même si vous êtes venu avec votre femme ou votre mari. Vous êtes seul avec l’histoire et les acteurs. »

Extrait de « Les pouvoirs du théâtre », entretien de Lars Norén avec Bernard Debroux (Alternatives théâtrales, 2007)

 

Nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Lars Norén ce mardi 26 janvier 2021.

Ce grand dramaturge et metteur en scène suédois fut un compagnon artistique tant du Théâtre National que du Festival de Liège durant 20 ans et son théâtre singulier, sombre et profond fait intimement partie de l’identité artistique de notre théâtre.

Jean-Louis Colinet directeur du Festival de Liège et précédent directeur du Théâtre National évoque cette relation :

« La mort de Lars Norén me touche particulièrement. Dans ma vie professionnelle j’ai fait quelques rencontres décisives, celle avec Lars Norén en était une. Tout autant une rencontre artistique qu’une rencontre humaine. C’était un homme fascinant, très humain, et je dirais même doux et généreux.

Lorsque nous étions ensemble, on parlait peu de de théâtre, mais surtout des choses de la vie. Il écrivait sur les gens, sur ce qui le touchait, (et beaucoup de choses le touchaient). Il parlait de la pauvreté, de l’extrémisme, de la violence, dans ses pièces mais je crois que, au-delà d’une apparente noirceur il y avait aussi et surtout une immense compassion, un véritable amour pour l’humanité…

Lars se souciait peu des aspects matériels et de l’organisation pratique des choses. Il était surtout guidé par son instinct, et avait une vision très aiguë et très claire de ce qu’il voulait sur le plan artistique.

J’ai aussi une pensée très particulière aujourd’hui pour Ulrika Josephsson qui fut une véritable compagne artistique, indispensable pour Lars.

C’est avec sa pièce Under que j’ai ouvert ma première édition du Festival de Liège en 2001. C’était une gageure, la pièce n’était pas encore créée et c’était donc une sorte de « pré-création » en Belgique. L’histoire de trois hommes, perdus dans l’attente et l’alcool mais surtout une observation sociale et métaphysique. C’était un spectacle extraordinaire et ça a initié une longue collaboration, au Festival et au Théâtre National.

A la suite de la création de Under nous avons eu presque chaque année un « évènement Lars Norén » au Festival, dont les pièces Akt, Kila et Guerre.

Lorsque je suis devenu directeur du Théâtre National nous avons programmé plusieurs créations de Norén : il y a eu Froid, en 2006, une pièce sur le racisme et les mécanismes de violence chez les jeunes, montée par Jean-François Noville, un spectacle qui a énormément tourné.  

J’ai présenté Lars Norén à l’actrice Anne Tismer et de cette rencontre est née Le 20 novembre (2006), l’histoire de ce school shooting allemand basée sur le blog de Bastian Bosse retrouvé en 2005.

Il y a eu ensuite A la mémoire d’Anna Politkovskaïa, en 2007, une pièce très violente sur la vie des enfants de la rue après les guerres tchétchènes. C’était une distribution bilingue, suédoise et belgo-française. Cette pièce a notamment révélé l’actrice Malin Crépin, qui fait aujourd’hui carrière au cinéma et marque aussi les premiers pas au théâtre de David Murgia.  Puis Fragmente en 2013 dans le cadre du projet européen Villes en Scène, une pièce sur la pauvreté en Suède notamment en coproduction avec l’Odéon…

Il y a eu énormément de mises en scène de pièces de Lars en Belgique et ailleurs. Je crois qu’il ne s’en préoccupait pas tellement mais qu’il était dominé par sa propre écriture et aussi par ses mises en scène.

Je crois que c’était un homme plutôt solitaire mais un véritable amoureux de l’humanité. Cette vision engagée et sans concession nous a tous portés dans nos choix artistiques. Et je pense que Fabrice Murgia l’actuel directeur du TN porte aussi en lui cette vision sans concession du théâtre…

Pour moi il faisait partie de la famille, cette famille artistique et humaine que je me suis construite au fil des rencontres, et dans laquelle je compte aussi des artistes tels que Joël Pommerat, Emma Dante, Ascanio Celestini et Fabrice Murgia… »

Propos de Jean-Louis Colinet, recueillis le 27 janvier 2021.

© Valerie Leemans
© Gloria Scorier