Naar hoofdinhoud
Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Intention

L'Eveil du printemps

© Hubert Amiel

C’est la quatrième fois que je vais aborder l’Éveil du Printemps mais la première fois que je vais la monter professionnellement. (…) l'Eveil du Printemps est une pièce très théâtrale, très spectaculaire, qui supporte mal le théâtre et le spectacle(…) L'Eveil à cette qualité que j'affectionne dans la plupart des textes que j'ai montés : elle tente de capter la vie concentrée et supporte difficilement qu'on s'écarte de cette donnée. (…)

Sous-titrée « Tragédie Enfantine », l'Eveil suit les errances, les questionnements, les emballements, les désillusions et les angoisses d'une douzaine d'adolescents dont les histoires s'entremêlent, d'une vingtaine de figures adultes (parents, professeurs, docteurs, pasteur, recteur...) et d'un personnage nommé l'Homme Masqué qui est le seul personnage abstrait de la pièce puisqu'il représente la Vie, dans ce qu'elle a d'informe, de pulsionnel, d'asexué et d'anonyme. Il y est question de sexualité et d'éducation, d'interdits et de tabous, de scandale et de mort.

Présentée ainsi, la pièce pourrait sembler très grave, elle n'en est pas moins lumineuse. La grande élégance de Wedekind est de ne jamais donner une couleur unique aux sentiments. Il y a une forme d'humour, d'ironie, de drôlerie cruelle qui parcourt la pièce de bout en bout, y compris dans ses moments les plus dramatiques. Le procédé de distanciation ainsi créé permet à la fois une empathie avec les personnages et les situations mais aussi comme un écran de projection aux questionnements des spectateurs eux-mêmes. Car l'Eveil est une pièce de grandes questions sur la Vie, la sexualité, le désir, le bien et le mal, la religion, la morale et la mort. C'est aussi une pièce qui aborde sans tabou la violence, le suicide, le viol, l’homosexualité, la masturbation, l'échec, la peur, la prostitution physique ou morale... et cette grande affaire que d'être adulte et responsable. Wedekind est aussi un immense poète, il dote nos personnages d'une langue qui oscille entre le prosaïque et le lyrisme, composant ainsi une œuvre (devenue classique) qui demeure d'une grande jeunesse, d'une grande profondeur, et qui s'affranchit ainsi de toute question de modernité. Donc tant dans les questions de fond que dans les questions de forme de la pièce, il n'y a rien à « actualiser ». Cependant, je fournis une nouvelle adaptation due à la multiplicité des rôles (plus de 40 personnages), une traduction un peu remaniée et peut-être quelques mises en perspectives directes avec notre époque.

(…)

Pour réaliser cet Éveil, j'ai souhaité réunir une grande équipe.

 Arthur Kutcher écrit dans ses études sur Wedekind : « une dramaturgie à tendance lyrique, qui ne respecte pas le découpage en scènes habituel, mais juxtapose des tableaux qui se suffisent en eux-mêmes, des concentrés de Vie, qui peuvent contenir plusieurs "scènes". Il n'y a pas d'action au sens habituel. La cohésion nait d'une intensité croissante, d'une progression des événements par étapes, de l'organisation des tableaux avec leurs effets de parallèles et de contrastes, où même ceux qui n'apportent pas le mouvement sont importants. » (In Frank Wedekind - Théâtre Complet - Éditions de la Maison Antoine Vitez). Cette avancée en tableaux à la fois successifs, parallèles et parfois concomitants ne peut avoir lieu qu'avec une distribution conséquente. C'est pour cela que je réunis 12 acteurs et 2 musiciennes soit 14 interprètes au plateau pour jouer la quarantaine de rôles de la pièce. C'est en bande que nous attaquerons l'ensemble de la pièce, en la portant ensemble et non uniquement chacun dans sa partition.(…).

 La « bande » et le théâtre d'acteurs, c'est un peu ma marque de fabrique, cela produit une énergie singulière que j'affectionne.

Armel Roussel, Bruxelles, le 20 novembre 2016.

Le Rideau de saison, Maak & Transmettre · photo : Lucile Dizier, 2024