Art, soin et citoyenneté

Pourquoi l’art s’infiltre-t-il de plus en plus souvent dans le champ du soin ? Comment les institutions culturelles se retrouvent-elles à interroger la vulnérabilité ?

Ces rencontres proposent d’approfondir la réflexion en confrontant expériences et bonnes pratiques : artistes, soignant·es, soigné·es racontent ce que ces alliances peuvent transformer dans notre vécu de l’altérité, avec des espaces où la différence retrouve un accueil, une attention. Maison Gertrude, le centre d’art en maison de repos, s’inscrit pleinement dans cette démarche lorsqu’il reconfigure les relations et les perceptions au sein d’un lieu de vie.

Rencontre
Le Besoin de soigner

Comment et pourquoi de plus en plus de pratiques artistiques s'orientent vers cette dimension du soin (dans leurs propos, dans leurs méthodes, dans la composition de leurs équipes artistiques) ? Qu'est-ce que cela révèle des sociétés au sein desquelles ces artistes évoluent ? Quels sont les manques et les dégâts causés par l'incitation à l'hyperproductivité, par les rythmes urbains, par les systèmes d'exploitation contemporains qui continuent de broyer les corps, les esprits, les imaginaires et les possibilités d'agir en commun ?  

Sans se prétendre médecins de la communauté et encore moins expert.e.s capables de formuler un plan de guérison ou de sortie de crise, plusieurs artistes aujourd'hui éprouvent ce besoin de soigner. Non pas soigner les défaillances d'un système en palliant les manques de tel ou tel État, mais soigner les présences, les expériences qui échappent aux expertises  et les conditions de plus en plus réduites des rencontres avec celle et celui qui ne « me » ressemble pas, avec le divers, les différent.e.s, avec toutes celles et tous ceux que l'on nomme, dans plusieurs champs (médical et policier en particulier), des déviant·es. 

 Pour que de telles expériences existent, il faut des espaces, des durées, des lieux qui, comme le dit le philosophe Merleau Ponty « donnent de la durée aux expériences ». C'est ainsi qu'il définit les institutions. Qu'elles soient alternatives ou officielles et publiques, qu'elles se définissent comme lieu artistique ou espace thérapeutique, de telles institutions existent et/ ou tentent de le faire en changeant de plus en plus leurs usages, leurs modes de fonctionnement pour qu’ils s’ajustent à l'échelle des différences et surtout du soin à leur donner. 

C'est autour de ce couple artistes/institutions que se composera le premier moment de réflexion, sensible, situé et au format varié afin de donner une certaine épaisseur à ce triptyque « Art, Soin, Citoyenneté ». 

Table ronde
Partage du sensible

En quoi et comment les « malades », les « deviant·es », les « différent·es » peuvent-i·els, dans leurs pratiques et leurs modes de vie, faire art ? Il ne s'agit pas seulement d'entendre les personnes qui, malgré certains de leurs handicaps, s'engagent dans des pratiques artistiques. Il s'agit aussi et surtout de percevoir comment, du fait d'une vie fragile devant s'aménager autrement, loin des rythmes et des matières qui font la violence acceptée de nos urbanités, ce sont les formes essentielles de la vie souhaitable et, tout simplement, de la vie vivable qui se recréent.  

L'art ne se situe pas que dans l'artifice des boites noires ou des white boxs. Il est aussi dans les autres « partage du sensible » (J. Rancière) qui se tentent le long des vies amoindries et qui recomposent ce sans quoi il ne peut y avoir ni expérience ni esthétique : les contours et les formes de l'espace et du temps.