Fin septembre, nous étions invité·es en tant que chargées des relations avec les publics au Théâtre National à participer aux Rendez-vous de la médiation, une journée d’échanges organisée par Article 27, association engagée dans la lutte contre les inégalités culturelles et œuvrant à rendre la culture accessible à tous·tes. En affirmant que la culture est un droit fondamental, Article 27 rappelle avec force que nul ne devrait en être exclu·e.

Les Rendez-vous de la médiation rassemblent chaque année de nombreuses institutions, associations et leurs publics ainsi que des artistes autour de projets spécialement conçus pour celle·ux que l’on appelle, parfois maladroitement « les publics éloignés ». Trente institutions culturelles y présentent à tour de rôle un projet de médiation.

Aller à la rencontre des autres, c’est aussi aller à la rencontre de celle·ux qui, ailleurs, œuvrent dans la même optique que nous : les chargé·es des relations avec les publics, les médiateur·ices qui travaillent dans d’autres institutions. Nous qui faisons des métiers similaires avons plus que jamais le besoin d’être en réseau, de tisser des maillages solidaires entre nos institutions car nous partageons la même croyance : que la culture n’a de valeur que lorsqu’elle est partagée.

Pour cette édition, nous avons choisi de présenter les outils que nous avons déployés autour du spectacle Israel et Mohamed qui se jouera dans nos murs du 26 au 30 novembre.

Le spectacle retrace les parcours croisés d’Israel Galván, célèbre danseur de flamenco et Mohamed El Khatib, metteur en scène français et artiste associé au Théâtre National, qui se sont tous deux battus contre l’avis de leur père pour mener à bien leurs carrières artistiques.

Pour accompagner le spectacle, nous avons mis en place deux ateliers — un atelier d’écriture et un atelier de flamenco — destinés aux bénéficiaires du CPAS d’Uccle et de l’Autre lieu (lieu de liens actif dans le domaine de la santé mentale) permettant d’explorer, chacun à leur manière, les thématiques du spectacle. En favorisant la rencontre avec la création artistique, ces ateliers constituent pour nous une véritable porte d’accès vers le spectacle vivant. Et ce sont ces portes qu’il s’agit impérativement d’ouvrir aujourd’hui.

Dans un contexte où les dispositifs favorisant l’accès à la culture se fragilisent, il nous paraît plus urgent que jamais de réaffirmer notre rôle et de défendre l’idée que chacun·e puisse trouver une place dans nos salles. Car un théâtre n’est pas seulement un lieu de représentation, c’est avant tout le miroir de la société, le reflet d’une pluralité hétérogène, à l’image de Bruxelles et de ses 186 nationalités.

Ouvrir nos portes à tous·tes, c’est accueillir par exemple les jeunes MENA ( Mineur·e Étranger·e Non Accompagné·e) de la Croix Rouge au sein de notre théâtre, c’est mener des ateliers avec COSMOLIS, groupe de mamans solos précarisées rattachées au CPAS de Molenbeek, c’est aller vers les enfants porteur·ses de handicap du CBIMC (Centre Belge pour Infirmes Moteurs Cérébraux), c’est donner l’opportunité à un groupe d’hommes en institution psychiatrique d’assister à une représentation de Combat des lianes, c’est accueillir tant des jeunes d’INDIGO que des habitant·es de la Résidence Sainte-Gertrude dans nos salles.

Autant d’actions de médiation qui donnent sens à notre mission et que nous continuerons à mener au fil de cette saison et des saisons à venir.

Donner accès à la culture, c’est également s’extraire de soi et de nos murs pour aller à la rencontre de l’altérité et se mettre à l’écoute de ses besoins, à l’image de la création en maison de repos du Centre d’art Maison Gertrude. C’est refuser que la culture ne demeure l’apanage d’un petit nombre, confinée dans un entre-soi trop confortable. C’est permettre au contraire à tous·tes de se reconnaître dans une œuvre.

Donner accès à la culture demeure, pour le service des Relations avec les publics du Théâtre National mais aussi pour ce vaste réseau d’institutions et d’associations partenaires, bien plus qu’un simple objectif. Il s’agit pour nous, en tant que service public, d’œuvrer chaque jour à rendre les murs du théâtre poreux, à créer des espaces communs, ouverts et vivants, accessibles à tous·tes. C’est mu par ce souci d’accessibilité que le Théâtre National défend aujourd’hui un « théâtre de la relation », où se tissent de nouvelles dynamiques dans notre rapport aux publics, aux artistes et aux œuvres.

Et c’est dans cet esprit de partage et de coopération que s’inscrivent Les Rendez-vous de la médiation, moments essentiels où se rencontrent celle·ux qui, chacun·e à leur manière, font vivre l’accès à la culture. Ces temps d’échanges nourrissent nos pratiques, renforcent des liens plus que nécessaires aujourd’hui, et nous rappellent qu’ensemble, nous participons à bâtir un théâtre à l’image de la société que nous souhaitons.