Une chorégraphie foisonnante, magnétique, qui puise aux racines de la forêt et dans les mouvements des peuples en lutte.
Dans la pénombre d’une foret sacrée, habitée et chargée de richesses ancestrales et patrimoniales, les corps surgissent. Ils s’enchevêtrent, s’entremêlent, se contorsionnent dans les entrelacs d’une danse intensive et captivante, tels des lianes en quête de la canopée. Apres L’Opera du villageois la saison dernière, qui examinait le vol des œuvres d’art pendant la colonisation, Zora Snake poursuit son exploration des rapports de domination. Ici, la résistance se danse au cœur des lianes, a la fois une et multiple, dans un face-à-face avec la déforestation qui menace les peuples autochtones d’Afrique centrale. Compagnon de longue date du Théâtre National, Zora Snake inscrit son travail dans une recherche engagée ou la danse devient acte performatif de révolte et de justice, pour restaurer l’âme de notre humanité. En immersion auprès des communautés Baka dans la forêt équatoriale, le chorégraphe-performeur et les interprètes-créateur·ices ont absorbé les rythmes polyphoniques et les gestes polyrythmiques de cell·eux dont l’habitat disparaît sous les assauts du capitalisme. Sur scène, sept danseur·ses et musicien·nes – chiffre sacré lié a la solidarité et l’esprit de l’urgence dans les cosmogonies des peuples Koungang a l’ouest du Cameroun – composent une fresque organique ou les silhouettes s’agrippent, tantôt fluides, tantôt convulsives. Nourrie de beats électro et de pulsations chamaniques, la musique porte et structure ce dialogue entre l’humain et son environnement. Un rituel comme lieu initiatique de guérison.
Aux origines…
la toute-puissance des lianes
La danse est corps et lianes… Muer la danse sacrée
Par la puissance du geste inspiré de la vaste végétation qui envahit l’espace, à la fois torsion, contorsion et poésie des corps en quête du soleil, la grammaire chorégraphique de Zora Snake est le voyage au travers de l’invisible comme le serpent de vie, le rite de réincarnation et de réinvention d’une société plus saine et apaisée à laquelle nous rêvons pour revenir à nous-même.
Dans les croyances des sociétés secrètes Nku’ngang (Nkoungang) de l’Ouest du Cameroun et des communautés Baka de l’Est du Cameroun, on considère que la liane est une racine connectée aux ancêtres, renforçant les liens du visible et de l’invisible par l’intermédiaire des gardiens de la tradition où la pratique de danse et le masque NKoungang consolident les solidarités entre les vivant.es. Tout comme les « Totems » à l’Ouest du Cameroun ou encore du dieu des forêts sacrées Edzingui, chez les communautés Baka à l’Est du Cameroun, les lianes connectent les villages et les ancêtres, chassent les mauvais esprits. Dans les danses rituelles, la transe n’est pas une danse, c’est une science concrète où la danse n’est pas « primitive », ni « ethnique » ni « ethnologique ».
Plus précisément, la danse passe ici par sa capacité à attraper les danses les plus hétérogènes qui se présentent à elle. C’est le morcelé des danses en mouvement sous toutes ses formes et rituels, lié au hip-hop, au steppin, au break-dance, au krump ou aux danses traditionnelles. D’où cette forme de danse échappatoire (ou mise en perspective), au sens positif, transformée d’errances nomades dans les rituels, les rythmes musicaux, les pas, les timbres des voix, les odeurs, la terre, les vêtements ou les couleurs. Entre rébellion et relâchement, la danse se souvient de la matière et de la multiplicité des formes de vie. Et c’est justement dans le multiple que réside sa force pour trouver du nouveau.
La scène : à la recherche du cordon ombilical
Pour Zora Snake, il ne s’agit pas tant de représenter littéralement les lianes mais plutôt de créer un espace scénique (ou « cordon ombilical ») relié et reliant les artistes et les spectateur·ices – qui deviennent des communautés - pour la déterritorialisation, la transcendance des identités, la libération de l’énergie et la célébration des communautés. Il est précisément là le défi. Combats de lianes est un en-deçà du langage débarrassé du pathos, de l’idéologie et du didactisme pour nous élever à une pure conscience en éveil et à une suite de sensations à la fois intimes et collectives propres aux rites liminaux des cultures ancestrales.
À y regarder de plus près, Combat de lianes est moins un spectacle de danse qu’une forme de rituel collectif aux dimensions spatio-temporelles et sociales déconstruites, ouverte au présent qui dure longtemps, au souffle et à la réparation des mondes en ruines dans lesquels nous vivons.
Première Mondiale au Théâtre National Wallonie-Bruxelles le 23 septembre 2025
Du 23.09 au 04.10.2025
Périodes de tournée
Mai – juin – juillet 2026
Saison 2026-2027
Photos : © Raoul Mboghing
Découvrez le Carnet de création ici
Zora Snake
Chorégraphe et performeur
De son vrai nom Tejeutsa qui veut dire dans la langue traditionnelle Yemba « une personne ayant une forte empathie », Zora Snake est chorégraphe, danseur et chercheur en Art de la performance. En 2013, il fonde la Compagnie Zora Snake à Yaoundé et en 2017, le Festival international MODAPERF – MOuvements, DAnses et PERFormances. Plusieurs fois lauréat et finaliste, on dit de lui qu’il est l’un des artistes les plus prometteurs de la scène hip-hop (Popping) actuelle, et de la scène artistique tout court en Afrique et ailleurs. Pour lui, la curiosité est ce qui rend raison de la nécessité d’explorer la danse qui n’est pas celle de l’Un, mais celle du Multiple. Elle réarticule hip-hop et danse contemporaine, pratiques artistiques dans les espaces urbains ouverts aux publics et performances rituelles politico-poétiques, art et société. De fait, la danse est ici moins un style qu’une pensée, voire un défi par à rapport au monde dans lequel on vit.
Lauréat 2016-2017 du programme Visas pour la création de l’Institut Français, il travaille régulièrement dans le réseau culturel français dans le monde, ainsi qu’avec le Goethe-Institut. En 2021, dans le sillage de MODAPERF, il crée l’Espace-Labo, lieu de croisements et de partages artistiques et, incubateur social et culturel ; il est ouvert aux artistes et aux opérateurs culturels pour (ré)inventer des langages artistiques, professionnaliser les jeunes artistes et pérenniser ainsi l’art au contact des publics en Afrique.
Zora Snake entretient un rapport très fort à l’engagement. D’abord, parce que l’engagement constitue le matériau premier de ses pièces audacieuses et explosives : Au-delà de l’humain ; Je suis ; Transfrontalier ; Le Départ ; Les Séquelles de la Colonisation ; Les masques tombent ou Shadow Survivors. Ensuite, parce qu’il est un sujet de réflexion permanent, l’artiste participe à des colloques et des séminaires, il anime des workshops, il écrit.
A mi-chemin entre la théorie, la méthode et le document d’archive, son ouvrage L’art est une boxe – de la performance et du politique en collaboration avec Julie Peghini et Dominique Malaquais, débuté lors d’une résidence d’écriture à la Fondation Camargo, offre des clés essentielles pour l’appréhension de la performance comme moyen de créer des espaces communs de contestation, de réflexion et de collaboration – espaces qui transcendent les frontières, tant physiques que disciplinaires.
Il a récemment collaboré avec les chorégraphes Serge Aimé Coulibaly et Amanda Piña.
Tournées
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11.10.2025
BELGIQUE - Charleroi - Ecuries de Charleroi Danse
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22.05.2026
GERMANY - Freiburg - Theater Freiburg
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29.05.2026
BULGARIA - Plovdiv - One Dance Week Festival
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05.2026 (date to be confirmed)
FRANCE - Maubeuge - Le Manège (Festival iTAK)
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07.2026 (to be confirmed)
THE NETHERLANDS - Amsterdam - Julidans festival
Distribution
Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Univers & chorégraphie Zora Snake
Avec Zora Snake, Joy Alpuerto Ritter, Jessica Chiye Warshal, Zadi Landry Kipre, Gandir Prudence
Composition Christiane Prince
Musique live Christiane Prince, David de Four
Dramaturge Youness Anzane
Scénographie Jean Michel Dissake
Création lumière Emily Brassier
Création costume Lamyne M
Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Coproduction Charleroi Danse, Riksteatern - Stockholm, South North Foundation, Solstice - Pôle International de Production et de Diffusion des Pays de la Loire, Julidans Amsterdam, Scène nationale de l’Essonne, One Dance Festival - Plovdiv, Theater Freiburg, Le Manège Maubeuge - scène nationale transfrontalière
Avec le soutien de l’Institut Français du Cameroun